Et puis, je crois que les mots sont ma façon d’aimer. Les gens, la montagne, les plantes, les torrents, les bêtes. Je les raconte, je les invente. Je les prends dans mes mots, comme d’autres prennent dans leurs bras ceux qu’ils chérissent.
En cet automne 1968, Corinna Bille séjourne dans une petite ville au bord du Léman avec un seul but : s’offrir le rare luxe de ne rien faire d’autre qu’écrire. Dans ce récit à la première personne, on entend la parole d’une femme libre, qui vivait pour et par l’écriture, on découvre son enfance bohème au Paradou, son amour des livres, son intérêt pour les rêves et sa passion pour son Valais natal.
Sylvie Neeman s’est inspirée du livre d’archives diverses collationnées par Christiane P. Makward, Corinna Bille – le vrai conte de ma vie pour restituer, dans un récit sensible à la première personne, Toute une vie à écrire. Tout commence avec l’importance des fleurs et des rêves, celle de l’esprit d’enfance et de la maladie, l’amour des mots et des images... L’admiratrice de la femme libre n’idéalise cependant pas la destinée de celle qui fut traitée de « pomme pourrie » à cause de la réputation sulfureuse de son père et qui traversa l’épreuve d’un « mariage blanc » et de la désillusion qui l’accompagna. S. Neeman évoque pudiquement ce moment : « Dans la réalité, l’horrible petite chien qui vivait avec nous était le seul à recevoir caresses et mots d’amour ».
La dessinatrice Albertine fait davantage que d’illustrer une vie. Elle utilise le crayon rouge et bleu dans tous ses dessins pour offrir une balade en enfance : la Cottin & Desgouttes d’Edmond Bille, le Paradou, les poupées, la maison couverte d’écailles au Rotzberg… Un dessin évoque aussi une réalité plus prosaïque : celui d’une mère qui n’a pas de « chambre à soi » et qui écrit sur la table de la cuisine entre lessives et repas à préparer.
Ce livre est à mettre en toutes les mains, en particulier celle des adultes même si S. Corinna Bille écrivait ces livres d’abord pour ses enfants, sans volonté de les édifier. Avec la biographie de Gilberte Favre qui n’a pas vieilli, le livre de S. Neeman ouvre les portes d’un monde composite fait d’onirisme et d’observation aiguë de la réalité.
Recension par Pierre-François Mettan
-----------------------------------------------------
(cliquez sur l'image pour agrandir)
Le Temps, Lisbeth Koutchoumoff Arman
"Mais c’est bien la façon dont l’écriture a fait sa place en elle, de l’enfance à l’âge adulte, qui est le fil du récit. Et par des mises en abymes habiles, Sylvie Neeman parvient superbement à montrer comment l’écriture puise au réel et le prolonge, l’agrandit, le transcende. Elle permet de ressentir aussi cette drôle de place qu'occupent les écrivains: au plus près du monde, de ses émotions, de ses bruissements, de ses douleurs mais comme perchés sur un balcon. Tout une vie à écrire est une magnifique déclaration d’amour à l’écriture."
Vers l'article complet
Sylvie Neeman lit le début de son livre Toute une vie à écrire sur Corinna Bille, édité par La Joie de lire.